lundi 26 décembre 2016

Mes aventures sur les routes du Ruisseau

Ce chapitre est dédié à la mémoire de Paul Ricard et de son fils Patrick Ricard qui nous a quittés tout récemment. Il est également dédié à ces messieurs de Ricard qui ont fort bien connu mon père, décédé, il y’a plus de huit mois.

       C’était le temps où la Maison Ricard avait le goût du Ruisseau. Une époque qui tirerait une larme à ceux à qui ils resteraient encore des larmes pour pleurer.
……… à ceux qui se souviennent de ce que fut la Royale Maison Ricard au Ruisseau.
                                                                                                         C’était le temps des fleurs…
Je t’adore, Soleil, Toi qui sèches les pleurs des moindres graminées.
                                                                                                         Edmond Rostand
1.     L’ESPRIT SPIRITUEL DES SPIRITUEUX

a.     Chaque bouteille raconte son histoire. Cette fois, c’est l’histoire de cet apéritif nommé Ricard, pur produit du terroir, qu’on passe son temps à voir et à revoir, et qu’on prend plaisir à boire chaque soir à la gloire d’une victoire des gars du J.U.D.B.
Un couplet nostalgique à la mémoire d’un passé révolu
« Et l’on disait que l’O.M.R était tombé dans un baril de vin rosé, non ! non ! l’O.M.R n’est pas morte, puisqu’elle gagne encore … et puisqu’elle marche encore. Et l’O.M.R … et l’O.M.R... ».

Le Ruisseau – juin 2011

b.     L’ombre de la Maison Ricard du Ruisseau qui nous a quittés en 63, et qui ne cessait de nous hanter* , y revient cette fois comme dans une résurrection pour disparaître à jamais et pour un dernier adieu. C’est tout le charme de la Maison Ricard qui nous quitte et pour l’éternité. 

REGARDS : 
On accourt de partout en criant au feu ! Au feu ! Ce sont les Forges Garcia du Ruisseau qui brûlent. C’était en 2006. On se réveille un matin et on apprend que c'est la demeure des tout-puissants Fedelich de Rouiba qui s'effondre et qui tombe en ruine. C’était lors du séisme de l'année 2003. Cette fois, on s’arrête, on se regarde et on se dit tiens! C’est l’ex Maison Ricard du ruisseau qui est démolie et jetée à terre. C’était en 2011. Comme à chaque fois, c’est ce vieil adage populaire qui accompagne le glas qui sonne et qui annonce l’agonie, la mort ou les funérailles d’un « Caid » de la Maison.

c.      Cette Maison qui a côtoyé les grands noms de la distillerie, qui a servi de tremplin aux géants de la liquosterie, qui passait son temps à séduire les grandes tables algéroises par sa très belle structure en bouche, et qui savait envoûter les meilleurs œnologues par sa très belle prestation dégustative, n’est plus, hélas, qu’un terrain vague à demi-rongé, par les mécaniques de la mort.

d.     Mais pourquoi spécule-t-on … sur l’état de santé de Charles Pasqua, celui qui fut durant de longues années le Directeur de Ricard – France ? Ici, au Ruisseau, les travaux de démolition n’étant pas encore achevés, ceci dans l’attente de relogement des locataires de la banque de « Prêts sur Gages » touchée également par cette opération de réhabilitation. Ce qui laisse présager que la liste funèbre est ouverte, ou encore longue. Serait-ce le prélude d’une série en cascade ? Ôh non ! il demeure néanmoins que ce sont de purs contes fondés sur une banale superstition, bien ancrée chez les anglais, et qui a longtemps influencé l’esprit rétrograde de nos chers aïeux.

Le Ruisseau

2.   L’ACTUELLE PORTE D’ENTREE DE L’EX MAISON RICARD  
                                                                                                           Photo prise le 28/12/2012

  -  Je t’aime Marie je t’aime …                                                                             - Patrick Abrial
   
Il ne manquerait plus qu’Alain Fournier, l’auteur du célèbre roman « Le Grand Meaulnes », lui qui a magnifié mieux que quiconque le cœur de la Sologne, pour décrire avec toute la sensibilité du cœur ce merveilleux instant ruisséen. Tendre regard qui nous plonge dans cet univers romantique, où les deux mains posées sur les grilles du château, Augustin, l’auteur, entendait murmurer l’eau de la rivière, chanter les oiseaux et voir éclore les bourgeons. Sur la photo, on aperçoit l’actuel portail de l’imprimerie, ex-Maison Ricard, derrière lequel se cache un vieux platane touffu dont les feuilles éparpillées aux quatre coins de la cour ruissellent abondamment sous l’eau de pluie. L’objectif du portable étant lui-même imbibé d’eau.

-    il pleut dans mon cœur comme Il pleut sur la ville  -                                                P. Verlaine
Alain Fournier, qui a connu André Gide et Charles Péguy trouva à 28 ans, la mort sur le champ de bataille de la Meuse. Son  corps ne sera retrouvé qu’en 1991.

ET SI ?
Cet arbre qui ne tardera pas à être abattu probablement dans les prochains mois à venir, ne demanderait qu’à être sauvé et emmené en France pour y être planté dans les usines de Ricard. Ce sera le plus beau et éternel cadeau d’un Ruisseau qui s’en va et qui laisse derrière lui tant de beaux et vieux souvenirs. C’est l’image deRicard qui nous quitte, mais qui reste dans les cœurs. Le Ruisseau, c’est une histoire … Une vieille histoire, faut nous croire !

                                                                                                 Le Ruisseau – année 62/63
3.     L’ULTIME ADIEU
Il est 7h30, la porte* d’entrée de la Maison Ricard est ouverte depuis bientôt une heure. Les panneaux coulissants du hall de l’atelier s’écartent doucement et laissent entrevoir l’extrémité d’un tapis roulant légèrement incliné au dehors de la cour. Le personnel est déjà à pied d’œuvre. Un homme vêtu d’une salopette de couleur bleue claire, et coiffé d’une casquette à visière s’active à placer des cageots de liqueurs sur l’escalier roulant. Un camarade les retire et les remet aussitôt à un autre collègue qui les pose tranquillement sur une benne motrice. Des bouteilles qui s’entrechoquent joyeusement, comme au son d’un grelot d’une vache laitière qui invite ses petits à regagner l’étable.
Une longue file de chariots alignés l’un derrière l’autre, attendent patiemment leur tour. Un monsieur s’agite, et se fraie un passage, un diable à la main. Des hommes en blouse blanche, vont et viennent un calepin sous le bras.
C’est l’image* chevaleresque de la Royale Maison Ricard qui s’offrait à mes yeux chaque matin.
Bientôt, les somptueuses bouteilles de Ricard iront rejoindre le dépôt pour y retrouver la sérénité d’un instant et apporter la fraîcheur pour toujours. La nuit tombée, l’odeur volatile des grains d’anis inonde le Ruisseau et imprègne de son doux arôme de fenouil les vertes hauteurs du Plateau. Elle copulera amoureusement avec le vert champêtre de la forêt Messoussi et ne se dissipera qu’au petit matin, ravie d’avoir libéré son étreinte et déposé son jus.
C’est tout le charme féerique d’un air provençal à la Frédéric Mistral qui flânait sur le Ruisseau en ce temps là.

a.     PARLEZ-MOI DE LUI …
On gardera en mémoire  l’odyssée légendaire de ces grands établissements dont l’activité fut orientée essentiellement vers la production et la commercialisation des apéritifs, spiritueux, alcools, liqueurs, eau-de-vie, mistilles et dérivés : Les Ets Rebaud et fils aîné, Ets Bernard Taillan , la Maison Eschenauer, les Caves du Sahel , SAPVIN , les Ets Savignon, la Maison Wallgren, les Ets Grassion-Fredot, les EtsPROVINA, la Sté de vinification de la Dahra, les Vins Vigna, les Ets Pierre Sorensen, la S Aratro… On n’y manquera pas également de relever les noms* de ces géants de la liquosterie : les Jacques Sartor, les Merlant , les Th. Wallgren, les Gabriel Evrard, les André et Jacques Vigna, les P. Sorensen, les Georges Chevreau. On parlera et pour toujours des gourous du vin des grands domaines et des fermes : des Robert et Henri Germain, des Borgeaud, de Marcel Seytre, de Munck, de Lung Frédéric, de Robert Margne, de Pierre Malle, des Fernand et Jean-Marie Aupécle, de Bernard Taillon, de Francois Toché, des Ets Hyppolite et de celles de Francivin.

Le Ruisseau

4.     L’ACTUEL MUR D’ENCEINTE DE L’EX MAISON RICARD  
Photo prise le 3/1/2013

-         Non, je n’ai rien oublié  -                                                                        Charles Aznavour

Jadis, en ce temps là, un grillage en métal déployé offrait une belle vue sur l’intérieur de la cour de l’ex Maison Ricard. Il prenait naissance à partir de l’extrémité de la porte, non représentée sur la photo, elle-même en métal déployé, et se prolonge de tout son long jusqu’à la limite du mur latéral de cette maison de liqueurs. Il sera remplacé beaucoup plus tard par un mur en parpaing, distant de près de 20 mètres, et porte l’inscription IMPRIMERIE. Aujourd’hui, l’ensemble de la surface étant clôturée par une rangée de cornières métalliques, ceci pour parer à toute occupation illégale des lieux. Ne subsiste à présent à l’intérieur de l’ex Maison Ricard qu’un amas de terre et de gravats qui attendent l’heure d’être déblayés.

5.     LE PARFUM RICARD                                                                  
Photo prise le 3/1/2013

    -         Non, je ne regrette rien …  -                                                                           Edith Piaf

Ouf ! Nous voici enfin arrivés au pied du fameux mur latéral de l’ex Maison Ricard, ceinturé par des cornières métalliques. Lui qui a laissé de vieux et beaux souvenirs derrière soi, n’aura plus rien à nous raconter cette fois. Jadis, à l’intérieur de cette cour, quelquefois les dimanches matin, des tables rondes soigneusement recouvertes de nappes blanches et merveilleusement arrangées pour la circonstance regroupaient des invités de marque (convives, familles et dignitaires de la Maison …) venus en grand nombre déguster ou apprécier les dernières nouveautés de la Maison et porter un toast à la gloire du vieux Ricard. Aujourd’hui, une végétation hirsute qui attend paisiblement son heure qui tarde à venir. Ça c’est le "djenen" du roumi, messieurs. C’est ici que l’on s’asseyait le dos au mur, sur une petite dalle en béton, sous l’œil austère de cette maison de liqueurs pour une petite causette entre amis ou dans l’attente de voir arriver les joueurs de maître Djaâfar. Un coin très prisé par nous autres ruisséens, en raison de sa douce quiétude et de sa proximité distante des bas-fonds de L’Oued-Kniss et de l’ex stade du J.U.D.B. Autrefois, ici, un long et étroit passage – entrée basse du stade – recouvert d’une toiture en eternit et jalonné de poteaux métalliques nous mène tout droit vers un amas de sable, clôturé par des planches en bois et destiné aux différents procédés de sablage de l’ex-Blanc. A la droite de l’entrée, un petit talus en pierre bleue enveloppé de grillages métalliques y servait de tribune (poulailler).  Si la placette du cinéma Stella … PTT …ou celle de la pharmacie Saligny furent le lieu attitré des rencontres cool des « Jeunes loups », ce petit coin offrait l’endroit idéal des petites retrouvailles entre gars du quartier prêts à mordre la vie à belles dents, quitte à se casser ensuite les dents. A notre droite, au-delà du N° 58, comme pour se rendre au Clos-Salembier, une pente aux douces inclinaisons offre aux regards une belle rangée de villas à l’italienne agrippées les unes aux autres comme dans un dernier sursaut. Émerveillé par ce beau panorama ruisséen, un peintre polonais de passage dans la ville en fit un merveilleux tableau. C’était en 1968.En cette même année, la télévision nous gratifia d’une belle série télévisée fort regardée en ce temps là, intitulée « Gaspard des montagnes ». Parmi nous, un gars de la bande, "locataire" au château seigneurial, nommé Ahcène Kaâouan ou Ahcène le "boiteux" ressemblait étrangement à l’acteur principal à tel point qu’on lui attribua le sobriquet de "Gaspard des montagnes". Une belle revanche à prendre sur cette montagne qui ne cesse de nous taquiner.

années 2001 à 2003

6.     LE PETIT PAS CASSÉ DE MAÎTRE ZABOR: On parlera longuement de ce Patrick Ricard qui appréciait tellement le Ricard de Zabor Mustapha de Dar-El-Beïda – ex Maison-Blanche – et qui recommandait à chaque fois  à ses inspecteurs en mission de contrôle en Algérie, de lui ramener 2 ou 3 bouteilles* de ce Ricard pour son apéro. Un Ricard mieux réussi, car mieux concocté, et préféré et même préférable disait-on à celui fabriqué en Espagne ou au Maroc. Peu après, Zabor connaîtra de sérieux ennuis avec …et quittera à jamais "l’univers" des alcools.
Raconté par le Directeur …...................



HANTER : On en revient aux croyances populaires qui resurgissent de nouveau pour nous endeuiller, comme dans l’incendie des Garcia, et qui nous renseignent cette fois sur l’esprit lugubre et prémonitoire, annonciateur de la mort de Patrick Ricard survenue le 17 août 2012.

* PORTE : Du haut de mon balcon, au 3ème étage de ce bel immeuble du 54, rue Polignac, je domine aisément la Maison Ricard.

IMAGE : Elle est renforcée aux extrémités par une solide armature de tube rond et sertie par un bel habillage métallique en grillage déployé qui semble mettre en relief quelque chose.

NOMS : Des noms … que de noms … rien que des noms … et pour clôturer le tout, on parlera de ces grands maîtres enchanteurs aux consonances nobles et aristocrates … des Martini, des Pernod, desPerrier, des Ricard, des SRaphaël, des Dubonnet, des Cinzano, des Quinquina, des Pastis 51, desByrrh … et j’en oublie …

BOUTEILLES : il s’agit d’un prélèvement d’échantillons effectué par les inspecteurs de Ricard, sur les bouteilles Ricard – Algérie – fabriquées sous licence par l’usine Zabor implantée à Dar-El-Beïda.

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